En comptant les postes à combler et les marins qui ne peuvent être déployés, il y a présentement un manque de 1500 personnes à Esquimalt et Halifax.
Selon des documents obtenus par RueFrontenac.com en vertu de la Loi d’accès à l’information, il manque de 24 à 32% de personnel sur l’équipage des navires du pays. C’est au port d’Esquimalt (Colombie-Britannique) que les besoins sont les plus criants: il y a à peine 1231 marins disponibles pour 1806 postes à pourvoir sur les navires en activité de la flotte pacifique.
À Halifax (Nouvelle-Écosse), il y a 1871 marins disponibles pour 2463 postes à pourvoir sur les navires en activité de la flotte atlantique.
Un tableau tiré d’une présentation au commandement maritime datée du 18 novembre permet de voir qu’il y a présentement un total global de 667 postes vacants et que 823 marins ne sont pas disponibles pour aller en mer, étant en congé maladie, annuel, de maternité ou de parternité ou étant déjà déployés dans des opérations non navales ou en période d’entraînement.
«Toute croissance de nos tâches au cours des prochaines années aura pour conséquence de réduire encore plus le nombre de marins disponibles», avertit-on d’ailleurs au bas du graphique.
Problèmes de recrutement
La difficulté à attirer de nouvelles recrues dans cet élément et les départs à la retraite hâtifs expliquent la pénurie de personnel. Une copie du document intitulé «Plan stratégique de contingentement» démontre qu’au 14 novembre, la marine n’avait réussi à enrôler que 442 recrues sur un objectif de 995 têtes, soit un taux de succès de 44%. L’année précédente, les recruteurs avaient embauché 357 personnes pour un objectif de 684 têtes.
Certains métiers très techniques sont plus touchés que d’autres. La marine est ainsi à court d’électriciens, d’ingénieurs, de communicateurs, d’électroniciens, d’opérateurs d’équipement d’informations de combat et d’opérateurs de sonar.
«À la mi-décembre, nous avions recruté 18 des 134 électroniciens navals dont nous avons besoin. À moins qu’une classe entière de futurs techniciens n'attendent de se faire enrôler, ce manque à gagner est pire qu’un défi à long terme, c’est une spirale infernale», écrivait d’ailleurs le chef d’état-major de la marine, le vice-amiral Drew Robertson, dans un courriel daté du 20 janvier.
Concurrence du privé
«Plusieurs des métiers de la marine en manque d’effectif sont de nature technique. Dans une économie moderne et hautement technologique, les connaissances et les compétences techniques requises pour occuper ce type d’emploi sont les mêmes que celles qui sont recherchées dans le secteur privé. Par conséquent, le défi en matière de recrutement est énorme compte tenu de la forte concurrence sur le marché du travail», a expliqué dans un courriel Dominique Verdon, agente des communications au ministère de la Défense nationale.
«Pour certains métiers, il ne manque que quelques dizaines de personnes; pour d’autres, il en manque plus d’une centaine», ajoute Mme Verdon, en signalant que les forces canadiennes englobent plus d’une centaine de métiers «de médecin militaire, à cuisinier en passant par les musiciens et les techniciens de marine».
À titre d’exemple, la marine n’a aucune difficulté à recruter des manœuvriers, les marins qui s’occupent entre autres des cordages et des activités sur les ponts, mais la formation demandée pour ce métier est minimale.
Difficulté à se «vendre»
Et il y a aussi que la marine est l’élément qui attire le moins les recrues, qui préfèrent joindre l’armée de terre ou la force aérienne.
«Nous avons de la difficulté à “vendre” nos services à travers le pays. La plupart de la population ignore ce que la marine fait exactement», peut-on lire dans une présentation PowerPoint du Groupe de recrutement des forces canadiennes (GRFC) destinée aux hauts gradés de la marine.
Dans un courriel, le commandant du GRFC, le colonel Matthew Overton, souligne que la marine va même manquer d’officiers de surface, ceux-là même qui s’occupent de la navigation et du commandement des navires. Le haut gradé note qu’il faut dissiper les «perceptions négatives» à propos de la marine voulant que l’équipement soit désuet et que la vie soit difficile pour les marins.
Mais la pénurie de personnel ne fait rien pour alléger la tâche de ceux qui font actuellement partie des équipages opérationnels. «La marine s’efforce de combler les pénuries de personnel les plus urgentes et elle étudie des moyens d’accroître la souplesse et la capacité de ses marins, précise Dominique Verdon.
Dans certains cas, les responsabilités sont redistribuées parmi l’effectif en place. Pour un certain nombre de métiers, cette situation peut se traduire par une plus longue période de service en mer.»
Réduire les équipages?
Est-ce que le Commandement maritime songe à réduire la taille des équipages des frégates, comme le veut la rumeur? Mme Verdon indique que «c’est le niveau de préparation opérationnelle du navire qui dicte le nombre de postes qui seront comblés à bord des navires». Ainsi, les frégates qui doivent «assurer un état d’alerte plus élevé» ont un équipage plus complet que celui d’une frégate qui demeurera à quai pour quelques semaines.
La porte-parole ajoute que la situation du recrutement s’améliore. «L’an dernier, la Marine avait 900 postes à combler pour l’ensemble des métiers sous sa gestion, et elle a réussi à en combler environ les trois quarts (ce qui représente une augmentation de 30% par rapport à l’an passé)», signale Mme Verdon.
«Ce problème n’est pas nouveau dans la marine pour certains métiers très spécialisés, indique le lieutenant-colonel à la retraite Rémi Landry. Les impacts immédiats seront sans doute absorbés par le personnel actuel, ce qui signifiera des séjours en mer plus fréquents pour les détenteurs de ces métiers. Et si la situation du recrutement ne s’améliore pas, cela contribuera sans doute à augmenter le niveau d’attrition, tout en affaiblissant la structure des grades dans ces métiers.»
– La marine compte 33 navires de guerre, sous-marins et navire de défense côtière; 19 sont installés sur la côte Est et 14, sur la côte Ouest.
– Pour 2009-2010, les recruteurs de la marine jouissent d’un budget de 3,2M$ pour attirer de nouvelles recrues, dont «740 000$ seront consacrés aux salaires, et 750 000 $ à la modernisation de trois nouveaux autobus de promotion de la marine».
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