mercredi 8 juillet 2009

Le ministre de la Défense lance aujourd'hui une nouvelle ronde d'annonces

Le ministre de la Défense lance aujourd'hui une nouvelle ronde d'annonces

Ottawa -- Le gouvernement Harper se prépare pour une autre importante ronde d'achats militaires. Selon les informations obtenues par Le Devoir, le ministre de la Défense, Peter MacKay, annoncera dès aujourd'hui l'acquisition de nouveaux véhicules de combat et de transport de troupes pour la Force terrestre. Plusieurs véhicules de la flotte actuelle seront également remis à niveau. La facture totale, étalée sur plusieurs années, frôlera les cinq milliards de dollars.

Plus tard cet été, le gouvernement annoncera aussi qu'il a finalement conclu, après trois ans de négociations, un contrat avec Boeing pour l'acquisition de 14 hélicoptères de transport Chinook. La commande initiale devait être de 16 appareils, mais il semble que l'achat ait été revu à la baisse récemment. Dans ce cas, la facture finale devrait approcher des 4,5 milliards de dollars, incluant l'entretien des hélicoptères pendant 20 ans.

Le ministre MacKay sera de passage cet après-midi à la base militaire de Gagetown, au Nouveau-Brunswick, et il en profitera pour annoncer un investissement massif dans les véhicules de l'armée de terre. Il s'agit d'argent frais qui n'a pas été annoncé précédemment.

Pour tenter de positionner favorablement son gouvernement à l'approche d'une possible campagne électorale à l'automne, le ministre MacKay fera notamment valoir que les achats militaires aideront à relancer l'économie canadienne, puisque les entreprises qui remportent les contrats doivent réinvestir au pays l'équivalent du montant obtenu.

De plus, une partie des annonces faites aujourd'hui touchent les véhicules blindés légers (VBL), qui sont construits et réparés dans le sud de l'Ontario, près de London, un endroit frappé durement par la récession. L'Ontario sera le prochain champ de bataille électoral.

L'armée de terre réclame depuis plusieurs mois la mise à niveau d'une partie de sa flotte de véhicules. La mission à Kandahar, avec ses conditions topographiques et climatiques extrêmes, mène la vie dure aux engins des Forces canadiennes. Sans compter les attentats des talibans et l'entraînement intensif des soldats au Canada avant le déploiement en Afghanistan. La Force terrestre estime que la moitié de sa flotte de véhicules est actuellement hors d'usage ou en attente de réparations.

Le ministère de la Défense annoncera donc aujourd'hui l'achat de nouveaux VBL et la remise à neuf de plusieurs autres. Cela devrait coûter près d'un milliard de dollars. Ces véhicules blindés, qui servent à la fois au transport des troupes et au combat, constituent l'épine dorsale de la Force terrestre, qui en possède près de 600. Plusieurs véhicules, achetés au milieu des années 90, sont toutefois au milieu de leur vie utile et exigent des réparations.

L'armée de terre annoncera aussi la mise à niveau de plusieurs M113, un véhicule à chenilles qui sert au transport des troupes. Les Forces canadiennes viennent tout juste de terminer la remise en état de quelque 280 véhicules de ce type, mis en service entre 1968 et 1991. Quelques dizaines de M113 supplémentaires seront remis en état. Ils serviront de véhicule de soutien logistique pour les VBL (aussi nommés LAVIII en anglais). Ce travail de remise à niveau pourrait être fait à Montréal.

Une nouvelle flotte de véhicules de combat

Les Forces canadiennes vont également annoncer l'achat d'une nouvelle flotte de véhicules de combat. L'armée recherche un petit char d'assaut qui peut aussi transporter des soldats. Un engin qui serait plus gros que le VBL (17 tonnes) mais plus petit que le Leopard 2 (64 tonnes), récemment acquis des Pays-Bas. Plus mobile qu'un gros char d'assaut, le nouveau véhicule servirait notamment à appuyer les Leopard 2 lors des opérations.

Deux entreprises étrangères sont favorites pour obtenir ce contrat. La britannique BAE Systems -- avec son CV90 (32 tonnes) à chenilles -- offre notamment de construire la tourelle et le canon (35 mm) au Canada. L'armée canadienne a récemment mis à l'essai un CV90 qui peut transporter sept soldats.

L'autre entreprise, Nexter, est française. Elle offre son VBCI (véhicule de combat d'infanterie), muni de chenilles et d'un canon de 25 mm. Il peut transporter huit soldats et pèse 26 tonnes. L'armée française vient tout juste d'en commander 115 exemplaires.

Ces annonces surviennent en plein coeur de l'été, alors que la Chambre des communes fait relâche. Les partis d'opposition ne peuvent donc pas interroger le gouvernement sur ses choix budgétaires. En 2006, lors de la dernière grosse vague d'annonces, le même procédé avait été utilisé.

14 hélicoptères Chinook

Selon nos informations, il en sera de même pour les hélicoptères Chinook, alors que l'annonce devrait avoir lieu avant la fin de l'été. Le gouvernement Harper avait annoncé en juin 2006 son intention d'acheter 16 hélicoptères de transport à l'entreprise américaine Boeing. Ottawa voulait toutefois un modèle spécial d'hélicoptère, plus polyvalent, capable de se rendre dans des zones de combat, de voler dans des conditions extrêmes et de faire du sauvetage. Les négociations avec Boeing se sont donc étirées pendant trois ans.

Il semble toutefois que le nombre d'appareils CH-47F ait été revu à la baisse, passant de 16 à 14. Le bureau du ministre MacKay a refusé de commenter cette information. En 2006, le gouvernement prévoyait dépenser environ 4,7 milliards de dollars, incluant l'entretien sur 20 ans, pour 16 hélicoptères. La nouvelle facture pourrait être légèrement moins élevée.

Ces hélicoptères neufs seront livrés à partir de 2012, alors que le Canada se sera retiré d'Afghanistan. L'automne dernier, le Canada a acheté six hélicoptères Chinook d'occasion à l'armée américaine pour les utiliser en Afghanistan dès cet hiver. S'ils sont en bon état à la fin de la mission, en juillet 2011, la flotte sera donc de 20 hélicoptères de transport d'ici quelques années.

Écrasement du Griffon: l'armée écarte les frappes talibanes

«Grâce à l'arrivée des Griffon et des Chinook, [MM. Audet et Joanette] ont joué un rôle important, ils ont réduit le risque d'exposition [des militaires canadiens] aux bombes artisanales et ont fourni un support aérien aux combats au sol.» - Jonathan Vance, brigadier-général et commandant de la Force opérationnelle interarmées du Canada à Kandahar

(Québec) L'écrasement de l'hélicoptère Griffon dans lequel deux soldats de Valcartier ont péri, lundi, en Afghanistan, pourrait avoir été causé par une déficience mécanique ou une erreur humaine.

Mardi, les Forces canadiennes ont écarté la possibilité que l'hélicoptère se soit écrasé à la suite de frappes talibanes, ouvrant la porte à ces deux hypothèses.

Une enquête a été amorcée pour déterminer la cause exacte de l'écrasement, qui a coûté la vie au caporal-chef Pat Audet, 38 ans, de Montréal, et au caporal Martin Joanette, 25 ans, de Saint-Calixte, dans Lanaudière.

Un soldat britannique a également été tué et trois autres soldats canadiens qui se trouvaient à bord de l'appareil ont été blessés, mais ils ont pu s'éloigner par leurs propres moyens de l'endroit de l'écrasement, ont indiqué les Forces canadiennes dans un communiqué.

Ces militaires, dont l'identité n'a pas été révélée, ont ensuite été transportés à la base de Kandahar pour être soignés. Deux d'entre eux sont retournés au travail et le troisième était dans un état stationnaire, mardi. Les deux pilotes auraient survécu à l'accident.

Membres de l'équipage aérien, les soldats Audet et Joanette sont morts lundi lorsque leur hélicoptère s'est écrasé au décollage, sur la base américaine d'opérations avancées de Tarnak Va Jaldak, dans la province de Zaboul, à environ 80 kilomètres au nord-est de Kandahar.

Cette base est située hors du théâtre d'opération des Forces canadiennes, mais l'équipage était apparemment en mission de transport. Le déploiement d'une force héliportée canadienne en Afghanistan ne remonte qu'au début de cette année. Stationnés à la base aérienne de Kandahar, les huit hélicoptères de transport tactique Griffon servent surtout à escorter les six hélicoptères de transport moyen à lourd CH-147 Chinook.

En limitant les convois terrestres, les Griffon et les Chinook permettent entre autres aux soldats d'esquiver la menace des engins explosifs improvisés posés par les insurgés sur les routes, qui sont la cause principale des pertes canadiennes en Afghanistan.

«Grâce à l'arrivée des Griffon et des Chinook, [MM. Audet et Joanette] ont joué un rôle important, ils ont réduit le risque d'exposition [des militaires canadiens] aux bombes artisanales et ont fourni un support aérien aux combats au sol», a commenté mardi matin, sur la base de Kandahar, le commandant de la Force opérationnelle interarmées du Canada à Kandahar, le brigadier-général Jonathan Vance.

Ce premier écrasement d'un hélicoptère canadien en Afghanistan soulève des questions sur l'utilisation de Griffon dans ce pays. Même s'ils sont réputés pour leur fiabilité, ces hélicoptères sont vulnérables à la poussière atmosphérique et ne peuvent parfois pas s'envoler pour cette raison.

«Plus on est en haute altitude et plus il fait chaud, moins l'air est dense. Et les hélicoptères fonctionnent justement avec la densité de l'air», explique le lieutenant-colonel à la retraite Rémy Landry. «Aussi, le sable là-bas, il y en a partout, ça endommage les divers mécanismes et ça a pour effet de rapprocher les périodes d'entretien et d'accélérer l'usure des équipements mécaniques.»

Selon M. Landry, qui fait partie du Groupe d'étude et de recherche sur la sécurité internationale de l'Université de Montréal, les risques d'écrasement ne sont pas nécessairement plus élevés pour autant, puisque l'entretien des hélicoptères est ajusté en conséquence. Par contre, dit-il, il faut être «plus prudent».

La mort des soldats Audet et Joanette porte à 126 le nombre de militaires canadiens tués en Afghanistan depuis le début de la mission. Au cours du dernier mois, six soldats canadiens, dont cinq de Valcartier, sont morts dans ce pays de l'Asie centrale en proie à l'insurrection talibane.

samedi 4 juillet 2009

La moitié des blindés de l'armée sont hors d'usage

Les véhicules de l'armée de terre sont durement mis à l'épreuve en Afghanistan, au point où près de la moitié de la flotte est actuellement hors d'usage. Une situation qui inquiète le chef de la Force terrestre, le général Andrew Leslie.

Ottawa -- La flotte de véhicules de transport et de combat de l'armée de terre est en très mauvais état. Les conditions extrêmes de Kandahar, avec la poussière, les variations de température et les attentats, usent prématurément les véhicules, ce qui inquiète l'état-major des Forces canadiennes. Près de la moitié de la flotte est présentement hors d'usage et attend des réparations.

Après la pénurie d'officiers d'expérience et de formateurs qualifiés pour entraîner les recrues de l'armée de terre -- ce qui a donné naissance au phénomène de «l'armée fantôme» révélé par Le Devoir hier --, l'usure des véhicules est la plus importante inquiétude de la Force terrestre, indique un rapport émanant de celle-ci.

Dans un document confidentiel obtenu par Le Devoir en vertu de la Loi d'accès à l'information, le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Andrew Leslie, décrit la situation comme étant «à haut risque».

Ce rapport, intitulé Strategic Operations and Ressource Plan 2008-09, fait état des problèmes au sein de l'armée de terre. Le document de plus de 60 pages a été remis il y a quelques mois au chef d'état-major des Forces canadiennes, le général Walt Natynczyk.

«Le ratio des véhicules hors d'usage atteint un record, avec une moyenne de 35 à 60 % de la flotte qui est actuellement inutilisable. La norme acceptable est estimée à 10-15 %», écrit le général Andrew Leslie.

La mission en Afghanistan est la grande responsable de l'état précaire de la flotte. L'usure des LAVIII, RG-31, chars d'assaut et autres véhicules de l'armée de terre est six fois plus rapide à Kandahar qu'au Canada. Plutôt que les 20 ans de vie normale, l'armée estime qu'un véhicule qui sert en Afghanistan a une durée de vie de trois ou quatre ans.

Aux conditions difficiles du désert afghan, il faut ajouter les engins explosifs improvisés (EEI) et les roquettes (RPG) des talibans, qui font non seulement la vie dure aux militaires, comme en témoignait encore hier le décès tragique d'un soldat canadien, mais également aux véhicules de l'armée.

Les Forces canadiennes ont aussi ajouté énormément de blindage sur les véhicules, question de mieux protéger les soldats. Or les LAVIII, les véhicules de transport et de combat les plus utilisés en Afghanistan, ne sont pas conçus pour déplacer autant de poids. La mécanique (transmission, moteur) est donc particulièrement sollicitée.

Un trou de 264 millions de dollars

Le rythme intense de la mission en Afghanistan et de l'entraînement des soldats avant les déploiements fait en sorte que les véhicules ne sont pas remis en état assez rapidement pour combler tous les besoins. Les véhicules sont donc de moins en moins disponibles au Canada pour l'entraînement régulier des militaires.

Dans le rapport du général Leslie, on évalue le déficit lié à l'entretien des véhicules à 264 millions de dollars. L'armée de terre réclame d'ailleurs une aide d'urgence de 67 millions de dollars pour combler une partie des besoins.

Le document souligne également que le problème est accentué par une pénurie de techniciens spécialisés et de mécaniciens. «Il faut davantage avoir recours à l'expertise civile», note le rapport du général Leslie.